L’absolution : ce n’est pas péché !

« Que celui qui n’a jamais péché, jette la première pierre ! ». Cette phrase vous dit quelque chose ? Au-delà de toute connotation religieuse, face à une première accusation criminelle qui ne prévoit aucune peine minimale et dont la peine maximale est inférieure à quatorze ans d’emprisonnement, il est permis d’espérer une absolution[1]. Rien de plus et rien de moins… Une absolution n’équivaut pas à un acquittement, mais étant la peine la plus clémente prévue au Code criminel, elle n’emporte pas de condamnation (casier judiciaire).

Qu’est-ce qu’une absolution et dans quelles conditions un tribunal peut-il l’imposer ?

Voilà les questions que la présente chronique a pour but de répondre sommairement.

Dans un premier temps, l’absolution est prévue à l’article 730 du Code criminel. Essentiellement, l’effet d’une absolution est, pour un accusé qui a plaidé coupable ou a été reconnu coupable d’une infraction, d’être réputé n’avoir jamais été condamné au regard de celle-ci.

S’impose ici quelques précisions :

Tout d’abord, il faut distinguer le concept de culpabilité (découlant d’un plaidoyer de culpabilité au sens de l’article 606 (1.1) du Code criminel ou d’une déclaration de culpabilité par un tribunal) de celui de la condamnation. Si le second concept dépend du premier, il ne s’ensuit pas que le second découle toujours du premier… En effet, il s’agit de deux étapes distinctes dans le processus judiciaire et dans le cadre de la détermination de la peine. En fait, le processus de détermination de la peine ne débute que s’il y a, au préalable, culpabilité. Évidemment, s’il y a acquittement, il n’y a pas de peine à prononcer !

Écrivant pour la majorité dans l’arrêt Doyon c. La Reine[2], rendu le 18 octobre 2004, le juge François Doyon de la Cour d’appel du Québec a clairement expliqué cette nuance aux paragraphes 43 à 59. Retenons de ses propos qu’une fois coupable on peut ne pas être condamné si nous bénéficions d’une absolution, mais le fait d’être réputé ne pas avoir été condamné ne signifie pas que nous n’avons pas, à l’origine, plaidé coupable ou été reconnu coupable… Sur cet aspect, le juge Doyon s’exprime comme suit :

« [49] L’absence de condamnation ne fait donc pas disparaître rétroactivement le plaidoyer ou la reconnaissance de culpabilité, pas plus, d’ailleurs, que la réhabilitation (ou le pardon) n’anéantit rétroactivement la condamnation (Re Therrien, [2001] 2 R.C.S. 3, par. 122). »

Bon ok, c’eût pu être plus clair ! Tentons de clarifier autrement par un exemple : la météo !

Imaginons une journée X d’hiver à Québec. Il fait froid, légèrement ensoleillé et un peu de neige tombe, mais rien pour « énerver » les météorologues ou les préposés au déneigement (« culpabilité »). En somme, la météo est douce et sans conséquence (« sans condamnation »). Janvier 1998 au Québec, plus particulièrement à Montréal et en Montérégie : le fameux verglas (« culpabilité ») ! Une météo déchaînée, un froid de canard, des pannes d’électricité, des pylônes d’Hydro-Québec s’écroulent un peu partout, les dégâts sont nombreux et des conséquences visibles s’annoncent durables (« la condamnation »). Ces deux exemples illustrent d’une part, que peu importe l’histoire et le temps, la météo de janvier 1998 et de la journée X seront toujours « inscrites » dans les livres d’histoire comme étant survenue dans les conditions observées et énoncées et, d’autre part, certaines conditions météorologiques sont sans conséquence et certaines avec des conséquences importantes, parfois dramatiques. Les effets de l’absolution s’apparentent à une journée X sans dégâts particuliers. On ne peut nier avoir plaidé coupable ou avoir été déclaré coupable d’une infraction criminelle à une date X dans une cour de justice Y devant un juge Z, mais, en bénéficiant d’une absolution, on peut certainement prétendre n’avoir jamais été condamné et donc posséder un casier judiciaire vierge.

Dans un second temps, il faut retenir que, conformément à l’article 730 (1) du Code criminel, l’absolution peut être prononcée de manière à être inconditionnelle ou conditionnelle au respect de certaines conditions imposées par le tribunal et prévues dans l’ordonnance rendue aux termes du paragraphe 731 (2) du Code criminel.

Finalement, un tribunal n’imposera une absolution à titre de peine que s’il considère qu’il y va de l’intérêt véritable de l’accusé sans nuire à l’intérêt public. Ces deux critères sont cumulatifs.

Quant au critère de l’intérêt véritable de l’accusé, retenons qu’il ne suffit pas de prétendre que nous ne voulons pas de casier judiciaire ou encore que nous croyons qu’un tel casier pourrait possiblement nous causer des ennuis pour le rencontrer et le remplir adéquatement aux yeux du tribunal. Généralement, nous devrons démontrer que l’accusé est une personne de bon caractère, sans antécédent judiciaire antérieur et qui ne présente pas de risque de récidive significatif. De plus, il faut démontrer une forme de préjudice subjectif à l’accusé découlant d’une éventuelle condamnation (donc de ne pas bénéficier d’une absolution…) comme étant démesuré et disproportionné par rapport à la gravité de l’infraction à l’origine du processus de détermination de la peine ainsi que du préjudice que pourrait subir la société. À titre d’exemple de préjudice subjectif à l’endroit d’une infraction criminelle de peu de gravité : une possible perte d’emploi, un plan de carrière compromis, des difficultés importantes et concrètes de voyager à l’étranger ou encore un statut précaire à l’immigration ou au niveau de notre citoyenneté. Sur ce dernier aspect, notons que la Cour suprême du Canada a clairement affirmé que les conséquences indirectes en matière d’immigration peuvent être pertinentes à considérer pour fixer adéquatement la peine[3].

Quant au critère de l’intérêt public, il s’apprécie, notamment, par la gravité de l’infraction en cause, son incidence sur la victime et sur la collectivité en général, par le besoin de dissuasion générale et l’importance de maintenir la confiance du public à l’égard de l’administration de la justice et de l’autorité des tribunaux.

En terminant, dans le cadre d’un processus individualisé quant à la détermination de la peine, sachez qu’obtenir une absolution n’est pas une mesure exceptionnelle, mais n’est pas toujours facile non plus, car il ne s’agit pas, en soi, d’une faveur octroyée à tout vent. Il faut certainement être bien conseillé en droit et être bien représenté devant les tribunaux pour faire valoir les éléments et arguments nécessaires militant en faveur de son octroi.

N’hésitez donc pas à nous contacter pour être éventuellement absout d’une première faute de nature criminelle. Après tout, nous, nous ne vous jetterons pas la première pierre !

 Le présent article ne constitue pas un avis juridique et n’engage que la responsabilité de son auteur.


[1] À noter que le dictionnaire Le Petit Robert 2013 définit l’absolution en droit comme suit : « Jugement qui, tout en déclarant coupable un prévenu, le renvoie de l’accusation, sa faute ne donnant lieu à l’application d’aucune sanction. CONTR. Condamnation. »

[2] EYB 2004-82644.

[3] R. c. Pham, 2013 CSC 15 aux paragraphes 11 à 13.

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